Le retour d’Alice Taglioni avec Chien Chien
Le rideau grince en remontant, la scène immense se dévoile petit à petit sous nos yeux, l’ambiance est froide et la lumière sombre. Une femme brune, élégante, assise sur le bord du canapé, feuillette nerveusement quelques magazines. Pas un bruit. Puis tout à coup, comme une incarnation, une femme blonde apporte la lumière.
Elle prononce le premier mot, l’histoire peut commencer.
Un dialogue rapide, rythmé, nous prend et nous transporte aussi vite qu’il nous insupporte. Qu’est-il en train de se passer ?
Linda, la belle blonde agile et perfide nous étonne sur sa manière d’accueillir la femme d’un salarié de son mari, Léda. Elle semble prête à bondir à tout moment. Il faut être patient pour finalement comprendre que ces deux femmes se connaissent depuis longtemps, qu’elles ont partagé dans leur enfance une amitié étrange. Linda, ou plutôt Adèle, était petite laide et seule. Léda, elle était la jolie petite peste, sordide. Les deux femmes se retrouvent au bilan de leur vie. Sans vouloir vraiment aborder le passé,Léda tente de contenir Linda-Adèle qui ne cache pas son envie de se venger.
Voilà une inquiétante amitié entre admiration et jalousie, amour et haine, soumission et manipulation. Chacune à leur tour, Linda-Adèle et Léda jouent le jeu du chien et de la maîtresse et finissent par s’y perdre. L’amitié se confronte à la domination, le présent combat le passé mais l’avenir ne peut oublier le passé. Le chien se mord la queue.
Pour Linda, sa petite vie de princesse ne suffit pas. Elle finit par vouloir être Adèle-la-soumise à nouveau et reprendre le jeu du chien chien là où il s’est arrêté.
On ne peut s’empêcher de se demander si cette pièce nous manipule depuis le début ou si, criante de vérité, elle dénonce les absurdités d’une relation amicale disproportionnée.
Alice Taglioni, impressionnante et fragile, apporte beaucoup à son personnage subtil. Elle énerve par sa répartie, assomme par son charisme et nous fragilise par sa poésie. On prend plaisir à écouter ses mots, à l’écouter jouer au piano. Elodie Navarre est engagée du début jusqu’à la fin dans un personnage rigide et rationnel qu’elle incarne à merveille.
N’y allez pas en pensant vous identifier à ces filles, cette relation amicale n’a rien de banal. Cette ambiance étincelante vous étonnera sûrement, vous dérangera même peut-être. Une chose est sûre : vous ressortirez avec une définition différente du verbe « supplier ».
Théâtre de l’Atelier à Paris
1 place Charles Dullin
Paris 18e
Du 28 septembre au 6 novembre 2010
Une pièce de Fabrice Roger-Lacan
Mise en scène de Jérémie Lippmann
Avec Alice Taglioni et Elodie Navarre