Choisir c’est renoncer
Un jour, quelqu’un m’a dit : « Choisir, ce n’est pas élire, c’est renoncer ». Il paraît même que c’est – pour les vraies décisions – très déterminant, très engageant et très difficile…
À première lecture, je fais cette moue râleuse… « Choisir, c’est renoncer pour toujours, pour jamais, à tout le reste ». Rien que ça. Pour toujours et à tout le reste.
Mais renoncer à qui, à quoi, et surtout pourquoi ? Choisir sa maison, sa profession, la femme de sa vie et sa vie elle-même (on a dit : les vraies décisions) serait renoncer à toutes les autres ? Vivre cette vie plutôt qu’une autre, est-ce à ce point irréversible ? Ce point de vue me fait tout d’un coup réaliser qu’à penser comme ça on s’imagine (éternellement ?) qu’en choisissant, on renonce à une alternative qui eût pu être meilleure. La peur de se tromper nous empêche ainsi d’avancer. Game over.
Choisir c’est renoncer, admettons. Mais renoncer n’est pas choisir. Et c’est en cela qu’à mon sens il est plus difficile de choisir que de renoncer. Bercé dans l’illusion qu’on peut tout avoir, on peut passer son temps à renoncer, sans faire véritablement de choix et ainsi passer à côté d’une centaine de vies.
Moue râleuse n°2 : la vie ne peut pas être faite que de renoncement.
Y a un certain Nietzsche qui disait : « Il est plus facile de renoncer à une passion que de la maîtriser ». Voilà moi, ce que j’ai toujours pensé. Essayer de maîtriser sa vie… On peut toujours tout plaquer et monter un bar à Bali non ? Choisir sa passion, choisir sa vie, choisir avec qui on va la vivre, c’est être qui on est, se créer, se libérer… Faire des choix, qu’ils soient bons ou mauvais, c’est dur mais c’est vivre !
Et puis, à deuxième lecture, finalement, m’apparaît comme la possibilité que le renoncement puisse se voir encore autrement. Il s’agirait de renoncer à l’idée qu’on se fait de la vie rêvée. Renoncer à ses projets ubuesques au profit d’autres qu’on peut réaliser, laisser libre court à ses envies et en jouir sans se dire éternellement insatisfait, aller chercher ce que la vie nous donne de meilleur et dire merci.
Renoncer serait en quelque sorte un moyen d’ouvrir les yeux sur sa propre vie. Prendre le temps de s’arrêter, regarder ce quelqu’un qu’on ne peut pas être, faire son deuil, balayer les phases de déni, de tristesse, de colère, de régression, baisser les armes, pour finalement choisir d’être qui on est et risquer un « allons-y et advienne que pourra. »
Voilà. Il faut choisir en toute conscience… Et ne pas renoncer sous prétexte que choisir, c’est perdre sa liberté ! Préférer un choisir ou plutôt s’engager, c’est confirmer et conserver sa liberté comme autonomie, comme moteur de sa propre vie.
Et puis, qui ne défait aucun engagement aujourd’hui ? Qui promet la lune et qui y va vraiment ? Qui assume jusqu’au terminus 100% de ses choix ? C’est QUI le Superman dans l’Histoire ?
Qu’ils mènent à la réussite ou l’échec, on apprend toujours de ses choix. On peut vivre à Paris, partir s’installer au Touquet-Paris-Plage et revenir vivre à Paris. On peut aimer quelqu’un, en aimer un autre (à la place ou en plus c’est au choix), on peut aussi se désaimer (oui, ce sont vraisemblablement des choses qui arrivent…), comme on peut aimer faire la cuisine et ne plus aimer conduire. On peut aussi aimer toute sa vie.
Alors renoncer oui. Renoncer à cette idée que l’on fait des choix pour toujours, à jamais. La vie est faite de choix qu’on tricote et qu’on détricote. Et ça tombe bien car grâce à cela, on se construit une bien jolie garde-robe.
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14 février 2014 at 22 h 23 min
Chère précieuse,
Voici que vous devisez bien joliment sur cette belle citation, je reconnais là le signe du bel esprit qui vous ressemble et qui anime si bien ce salon où toutes la jeunesse de Paris se presse quel que soit son rang ,augurant sans doute ce qui sera les grandes causeries universelles dans deux siècles.
Maintenant quittons un peu Mr Descartes, laissons un peu raison à l’ombre et écoutons un peu notre cœur en la circonstance.
Les années m’ont amené à bien des décisions. Pour poursuivre ainsi la conversation de votre salon sans me trahir ou trahir des personnes de ma connaissance qui pourraient y converser ;ce salon est si vaste…tout le monde s’y invite désormais par les ondes…. ; je vous conterai ,plutôt que de devisez, cette aventure, chère á ma mémoire et qui me revient souvent ,car sans doute l’avez-vous déjà éprouvé ,lorsque le doute s’installe dans notre esprit il est difficile de l’en déloger, tel le vers dans le fruit qui ne reste plus qu’à tailler ou la fouine dans nos grenier qu’il faut désormais enfumer.
Comme vous le savez mon gout du commerce pour les denrées et épices du nouveau monde m’ amena à traverser l’ océan, me conduisant, jeune homme , dans ces belles iles près des Amériques où, suivant les instructions reçues de mon père , j’ installais de grandes plantations, y pris famille et y élevais mes enfants….tout ceci fut très prospère et je me réjouissais d’une vie heureuse ,un climat délicieux, une famille épanouie et un commerce florissant….
Le décès de mon père m’obligea à un retour en France pour y conduire la succession et m’assurer de la poursuite de sa maison de commerce d’où était distribué sur le continent le produit de mes plantations…..
Je m’installais donc à Paris en sa maison du quai de la Tournelle. En fait, je retrouvais Paris, je retrouvais le Paris que j’avais quitté a vingt ans, ce fut un éblouissement, ma famille était connue, j’étais reçu, et même jusque chez vous, quel privilège, un salon si fameux, je retrouvais les théâtres ,les salons de musique, les soupers dans tous ces beaux hôtels du Marais ou des faubourgs des prés Saint Germain, les tavernes de la butte Montmartre, les parties de campagne dans la plaine de Grenelle, les cafés du Palais Royal, les bals, le plaisir de la conversation avec des gens de qualité, les beaux jardins, les beaux équipages et les belles toilettes ..tout ce qui fait de notre beau pays l’admiration de nos voisins… et comme de bien entendu, en bonne société nous faisons de bonnes rencontres, et je fis de belles rencontres, mais surtout une rencontre, celle qui de prime abord est simplement plaisante ,puis qui peu à peu à force d’attachement devient aimante, aimante au point d’envahir votre cœur et votre esprit, vos jours et vos nuits, on ne se quitte plus, chaque jour est une fête ,chaque billet de sa main un moment de grace, on se met à songer à demain, on dit nous au présent mais on cherche à conjuguer le futur…et ainsi, et ainsi…va le cœur des hommes et des femmes.
Je prolongeais ainsi mon séjour, arguant la difficulté de bien ordonner la maison de commerce dans ces temps un peu trouble d’une régence souvent chahutée, sans autorité et mal conseillée…. ,deux ans s’écoulèrent ainsi, mes fils étaient capables et poursuivaient mon entreprise, les navires allaient et venaient régulièrement de chaque côté de l’océan…..vint le jour où je ne pouvais plus me dérober, il me fallait choisir ,et voilà nous y sommes…..devais je retourner dans ma famille retrouver ma vie ,ma vie d’avant la rencontre…..où prendre l’opportunité de combler le vœux de la jeune personne, maintenant chère à mon cœur et rester vivre en France à un âge encore ou on peut commencer une nouvelle vie….voilà Madame ce que fut mon tourment,….je dus choisir et donc renoncer, mais à laquelle des deux vies ?Je vous souhaites de n’avoir jamais à faire face à de tels déchirements, je préfère les lire dans les livre de Mr Corneille.
Plusieurs fois sur le chemin du retour semaines après semaines, tourmenté, le cœur déchiré, je fus prés à ordonner au capitaine de virer de bord, et je le fis pas…quand le doute est en vous il n’y a plus de gouvernail.
Vingt ans après, je le confesse, assis le soir à l’ombre des palétuviers, regardant glisser le disque orangé du soleil derrière les bateaux qui demain reprendront la mer vers le continent, je songe à ce qu’aurait pu être ma vie si j’étais resté à Paris et à celle à qui j’ai dû ,il n’y a pas d’autres mot, renoncer.
Son souvenir est dans mon cœur intact comme le jour où ,osons le dire je l’abandonnais, car n’est-ce pas un abandon que de quitter une jeune personne chez qui sans malveillance, mais sans doute un peu de légèreté, on a éveillé le cœur et les sens ouvrant ainsi la porte à un attachement sincère, profond, partagé sans en avoir soi-même la liberté.
Et cette réponse, Madame, je ne l’aurai jamais ….
Voilà donc chère précieuse, cessons de devisez, ce court récit est une autre façon d’illustrer le débat autour de cette citation ….j’emporterai ce mystère dans mon tombeau, il ne me tourmentera plus.
Votre ami,